Recrutée par le Moma, le très prestigieux et très éclectique musée d’art moderne et contemporain de New York, elle y intègre la section de recherche sur l’histoire de l’art.
Beya appartient à la génération apaisée de ces jeunes qui n’oublient pas d’où ils viennent, et savent où ils vont. Ouverts aux grands courants, curieux des voies nouvelles, dotés d’une agilité intellectuelle qui leur permet de s’adapter à toutes les influences, ils ont su se débarrasser de toutes les entraves, s’enrichir de ce qui aurait pu leur peser, et ont fait du monde leur champ d’action privilégié.
Beya Othmani est Algéro-Tunisienne, elle a étudié en Algérie, à Tunis, en Suisse, puis au Canada, à l’université Mac Gyll où elle s’est consacrée aux études sur le Moyen-Orient avec une option Sciences politiques et Histoire de l’art. Ce sera la fusion de ces deux disciplines qui l’intéressera. C’est à Berlin ensuite qu’elle peaufinera sa formation, écrivant une thèse dans laquelle elle étudiera «les pratiques de la représentation coloniale, et le rôle qu’elles ont joué dans la construction de l’image du colonisé». Elle s’y intéressera particulièrement aux artistes tunisiens dans les expositions d’art françaises du début du XXe siècle. A partir de là, son parcours curatorial est impressionnant. On la verra participer à Dubaï Art Fair, à la Biennale de Dakar, aux Rencontres photographiques d’Arles, à la Biennale des arts graphiques de Ljubljana en Slovénie, à la Biennale des arts islamiques à Jeddah, à New York où elle monte, pour la Fondation Ford, un programme d’expositions s’intéressant aux influences entre l’art contemporain et l’activisme féminin dans une vision non occidentale. Et toujours, dès qu’elle le peut, à Tunis pour divers projets. Quand ce n’est pas à Tunis que ses projets la conduisent, c’est la Tunisie qu’elle porte avec elle : à Jeddah, elle participait à une installation : « Jerba, Prototype 366», projet mettant l’accent sur la typologie des mosquées de l’île. A Dakar, elle présentait une artiste tunisienne, Fela Kefi, qui participa au premier Festival mondial des arts nègres de Dakar en 1966.
Aujourd’hui, c’est la magnifique consécration d’une aussi belle carrière que vit Beya Othmani : elle vient, en effet, d’être recrutée par le Moma, le très prestigieux et très éclectique musée d’art moderne et contemporain de New York. Elle y intègre la section de recherche sur l’Histoire de l’Art des pays se trouvant en dehors de l’Amérique du Nord et de l’Europe. L’équipe de chercheurs travaillant sur l’Afrique, à laquelle Beya Othmani appartient, s’intéresse particulièrement à l’art moderne postcolonial des artistes de ces régions.
Beya résume pour nous son parcours en de grandes lignes:
«Dix ans déjà. Ma première expérience, et mon baptême du feu furent ceux d’une stagiaire auprès d’un commissaire d’art. Puis j’ai tenu un blog : il s’agissait d’illustrer une idée en utilisant l’art pour l’exprimer et l’appuyer. Ce fut un bel exercice. Parallèlement, j’ai essayé de travailler dans la publicité, ce qui était une tradition familiale, mais j’ai vite réalisé que ce qui m’intéressait, c’était bien de travailler dans le domaine de l’art.
Avec tout de même un intérêt particulier sur l’art des périodes post-coloniales. J’ai rencontré des intellectuels, des gens passionnants, organisé des expositions qui utilisaient l’art pour soutenir des arguments, posé des questions et invité des artistes pour illustrer de possibles réponses. Car l’art est aussi une recherche. Le temps du Covid, galeries et universités fermées, j’ai donc commencé des recherches sur la construction des identités à travers des expositions-mémoires.
En évoluant toujours sur les réseaux d’artistes africains et nord-africains. Puis en m’intéressant à l’histoire des expositions d’après les indépendances. En étudiant plus particulièrement la formation des instituts culturels, la création d’espaces en Tunisie, sa position officielle à l’égard des expositions internationales. C’est en travaillant sur le festival panafricain des arts et sur la position de la Tunisie que j’ai eu à contacter la responsable des arts africains au Moma. Je travaillais à l’époque pour la Fondation Ford qui m’avait demandé l’organisation d’une série d’expositions.
A la fin de ma mission, on m’a demandé d’intégrer l’unité de recherche sur l’art moderne africain au Moma. Notre rôle consiste à identifier des artistes, pour les collections, des experts, les inviter, écrire des textes, des biographies. C’est passionnant».
Beya est aujourd’hui au cœur du monde de l’art, dans un des contextes les plus stimulants. Nous lui souhaitons bon vent.